Un expert québécois s’illustre
Pendant dix jours, Jacques Landry a interrogé avec succès les suspects d’une explosion mortelle
Marc Pigeon
Journal de Montréal, Publié le: | Mise à jour:
photo Courtoisie
Le quartier pauvre de Mpila, à Brazzaville, au Congo, a été soufflé par l’explosion d’un entrepôt militaire faisant 220 morts.
Maître de l’interrogatoire, l’ex-lieutenant de police Jacques Landry revient tout juste d’un séjour hors de l’ordinaire au Congo, où on a fait appel à son expertise pour interroger les militaires impliqués dans l’explosion d’un entrepôt de munitions qui a rasé une partie de la ville et fait plus de 220 morts et 1 500 blessés.
La tragédie s’est produite le 4 mars dernier, dans le secteur Mpila, à Brazzaville. Plusieurs explosions successives se sont fait entendre, laissant croire à des bombardements ou un coup d’État.
Or, il n’en était rien : l’immense hangar, qui servait d’entrepôt pour des missiles, des lance-roquettes, des armes automatiques et des engrais chimiques servant à la composition de bombes, avait explosé.
Deux militaires sont morts et une douzaine d’autres affectés à l’entrepôt ont été arrêtés.
Pour soumettre ces suspects à un interrogatoire, les autorités ont choisi de puiser dans l’expertise québécoise : on a offert ce contrat des plus particuliers à Jacques Landry, ancien membre de l’unité des crimes contre la personne de la SQ, ancien enseignant à l’école de police de Nicolet, aujourd’hui enseignant à l’Université de Montréal et auteur.
10 jours d’interrogatoire
Véritable spécialiste de l’interrogatoire et du détecteur de mensonges, l’homme de 58 ans s’est rapidement envolé pour l’Afrique, où il a mené des interrogatoires, retransmis en direct devant les membres de la commission.
Dix jours d’interrogatoire, à raison de quatre à sept heures par jour. Un séjour qu’il n’est pas prêt d’oublier.
La thèse criminelle a vite été écartée et celle de l’accident dû à la négligence a été privilégiée.
Il en ressort que des règles non suivies et la négligence de certains membres de la sécurité sont à l’origine du drame.
« Quatre militaires fumaient à côté du réservoir à engrais qui coulait tellement il était rouillé », donne en exemple M. Landry.
Tristes souvenirs
Quand on démarrait la génératrice, des étincelles jaillissaient. Lorsqu’on ouvrait un robinet d’eau chaude, on pouvait ressentir un choc électrique. Toutes des défaillances qui démontrent de la négligence, selon M. Landry.
« Quand le chargé d’équipe a crié au feu, personne n’a tenté de l’éteindre, raconte-t-il. Ils se sont plutôt enfuis. »
M. Landry revient de ce périple avec une expérience unique dans ses valises et des tristes souvenirs d’un drame évitable qui a touché des milliers de Congolais déjà affectés par la pauvreté.
Jacques Landry, interrogateur
Une expérience mémorable
L’expérience de l’ex-policier au Congo figure parmi celles qui l’ont certes le plus marqué.
Appelé à œuvrer dans ce pays au climat politique et militaire bien différent du nôtre, son travail s’est fait dans des conditions plutôt particulières.
Un séjour au cours duquel sa propre sécurité fut un enjeu constant. Logé dans un hôtel peu confortable, on lui avait affe4cté des accompagnateurs pour le protéger, tant à l’hôtel que dans ses déplacements.
« Je n’ai pas dormi pendant 11 nuits », dit-il, mi-ironique, mi-sérieux, alors que les coups de feu résonnaient dans la nuit.
Pourtant, M. Landry en a vu d’autres au cours de ses 26 années passées à la Sûreté du Québec, notamment affecté aux pires meurtres, enlèvements et agressions sexuelles.
La visite des lieux du sinistre est un souvenir qui l’a marqué et qu’il gardera en mémoire toute sa vie.
« C’est comme si tout le quartier Hochelaga-Maisonneuve avait été soufflé par l’explosion », dit-il.
Les images du quartier Mpila, croquées par les photographes de presse, montrent la dévastation et valent d’ailleurs mille mots.
« Je vais me souvenir de ce voyage toute ma vie », dit-il.